Les premières traces d’une communauté paroissiale centrée sur le quartier du Pont du Suve sont de quarante ans plus anciennes que l’âge de l’église actuelle. Elles sont donc presque centenaires. La population du quartier, déjà importante au début du vingtième siècle, était en rapide expansion dans les années précédant la première guerre mondiale. Le 18 juin 2014 il y a eu cent ans que la messe fut célébrée pour la première fois en la chapelle Saint François d’Assise.
A l’époque, les paroisses catholiques de Toulon et de ses environs étaient moins nombreuses, donc plus étendues qu’aujourd’hui. Notre quartier se situait aux limites, et à égale distance, de la paroisse Saint-Cyprien, à Saint-Jean-du-Var, et de la paroisse de la Nativité, au centre de La Garde. Pour les fidèles désirant vivre leur foi, aller à la messe signifiait un trajet d’environ quatre kilomètres, à parcourir le plus souvent à pied, les moyens de transport étant loin d’être ce qu’ils sont aujourd’hui.
Il n’est donc pas anormal que des religieux aient cherché à réduire ces difficultés en tentant d’obtenir la construction de lieux de culte plus rapprochés des quartiers en cours d’urbanisation.
Le premier, et sans doute principal artisan de la création d’un lieu de culte paroissial au Pont du Suve fut le frère Bourgarel, tertiaire de Saint François dont il portait l’habit. Membre d’une famille ancienne, propriétaire à Port Magaud de la campagne Bourgarel, il parcourait inlassablement, dans les tout premiers mois de 1914, accompagné de son petit âne, les quartiers en périphérie des grandes paroisses, cherchant un pied à terre où il pouvait abriter sa monture et demeurer lui-même.
Il y réunissait alors les enfants des écoles les plus proches et commençait à leur donner les premières notions de catéchisme. Ce n’était pas toujours facile, certaines familles se méfiant de ce religieux inconnu. Aussi le frère Bourgarel se décida-t-il à contacter les parents des enfants catéchisés, pour se faire connaître et les intéresser à son apostolat.
Il pensa d’abord à demander la création d’une église près des écoles du quartier Collet de Gipon, mais se heurta à l’opposition du curé de Saint Jean du Var. Il se déplaça donc vers l’est, à la limite des deux paroisses de Saint-Jean-du-Var et de La Garde, et fut hébergé dans un bâtiment appartenant à M. Ginoux, dont le nom sera donné au quartier : La Ginouse. Il commença aussitôt à catéchiser les enfants, et, soutenu par les familles, posa très vite la question de l’édification d’un lieu de culte pour la population, dont la maison qu’il occupait serait le presbytère.
C’est un habitant de Sainte Musse, M. Henri Martin, propriétaire du “Jardin des œillets de Provence ”, qui acquit, le 4 mars et le 7 avril 1914, deux anciennes constructions appartenant aux consorts Gay de Toulon, proches de la maison Ginoux. Immédiatement démolies, elles dégagèrent l’espace nécessaire à la construction d’une chapelle, dédiée aux stigmates de Saint François d’Assise, dont le frère Bourgarel surveilla lui-même les travaux, financés par M. Martin.
Dès le 18 juin 1914, à dix-sept heures, la nouvelle chapelle fut bénie par Mgr Guillibert, évêque de Fréjus et Toulon, entouré d’un nombreux clergé, et ouverte au culte.
La tâche du frère Bourgarel ne se limita pas à la construction de la chapelle Saint François d’Assise. Il est directement responsable de la création des paroisses du Sacré-Cœur des Routes, dont l’église fut construite en 1914, de l’Immaculée Conception à La Loubière, dont l’église date de 1908, et de Saint Georges, édifiée en 1921, situées en périphérie du Toulon de l’époque.
Mgr Gasq, curé de La Garde, s’accommodait mal du caractère énergique du frère Bourgarel. Se croyant tenu à distance par les habitants du Pont du Suve, il n’hésita pas à demander le départ du frère et la fermeture de la chapelle. Le frère Bourgarel partira et subira plus tard le martyre au Vietnam, mais la chapelle demeurera ouverte, grâce au dévouement de la famille Bérard, qui vint demeurer dans le presbytère laissé vacant, et trouva les prêtres nécessaires pour célébrer la messe les dimanches et jours de fêtes. Dès le 23 juin 1914, l’évêque accordait les lettres de pouvoir à l’abbé Léonard, précepteur des enfants de la famille Martin, qui assura les offices jusqu’au 1er avril 1920. Puis ce prêtre, incardiné au diocèse de Périgueux, fut rappelé par son évêque.
Pendant les douze années qui suivirent, il fallut faire appel à différents prêtres, en activité, ou en retraite, venant parfois de villes voisines : religieux, prêtres séculiers, professeurs, etc…
Les archives paroissiales ont retenu les noms de deux de ces desservants d’occasion :
- l’abbé Mongeot, du diocèse de Nancy, qui resta à la Ginouse du 1er novembre 1920 au 1er juillet 1922. On lui avait aménagé une chambre dans le grenier du presbytère, à laquelle il accédait par une échelle extérieure.
- le chanoine Michel, supérieur de la maison des prêtres de la Pauline, qui se dépensa beaucoup en faveur de la Ginouse au cours des années 30. Non seulement il assurait la célébration des offices, mais venait aussi catéchiser les enfants. Les préoccupations liées à la direction de sa maison de retraite le contraignirent cependant à abandonner ses fonctions à La Ginouse.
Le quartier aurait pu connaître de nouvelles difficultés, mais un événement mineur nous rappelle que la Providence intervient toujours quand il le faut. Le révérend père Faustin, supérieur de la maison de retraite des pères assomptionnistes de Lorgues, était venu remplacer l’aumônier des sœurs de la visitation de Sainte Musse, qui avait des ennuis de santé. En parcourant les environs, il assista un soir avec M. Martin, du ‘‘Jardin des œillets’’, à la sortie des écoles du Collet de Gipon et prît conscience de l’importance d’évangéliser tout ce petit monde. Le père Faustin élabora immédiatement un projet qu’il soumit au Révérend Père Sollier, supérieur des assomptionnistes de la province de Lyon. Ce dernier se déplaça et décida d’affecter un père assomptionniste au quartier de la Ginouse, en la personne du père Tite Giraudo, qui célébra la messe le 29 octobre 1933, jour de la fête du Christ-Roi.
Un immense travail attendait ce premier père Assomptionniste. Il disposait d’un toit, mais les locaux se trouvaient dans un état lamentable. Le Père Tite était jeune, plein d’initiatives, entreprenant et doté d’un savoir-faire peu commun. Des cloisons transformèrent l’unique salle de l’entresol. L’échelle extérieure fut remplacée par un escalier intérieur. La population, sollicitée, apporta son concours à l’ameublement du presbytère. S’improvisant électricien, le père Giraudo installa le courant électrique et dota la chapelle de la lumière indispensable, ainsi que d’une petite salle d'œuvres au chevet de l’église.
En accueillant les pères assomptionnistes à la Ginouse, l’évêque leur avait permis d’y célébrer des baptêmes et d’y admettre les enfants à la communion solennelle. Mais les deux voisins, l’abbé Sigallon, curé de Saint-Jean-du-Var, et l’abbé Dol, curé de la Garde, ne partageaient pas cette façon de voir. Des lettres furent envoyées à l’évêché de part et d’autre et pour mettre fin à la crise, le père Sollier, supérieur de Lyon, déplaça le père Giraudo vers l’Afrique du Nord. Il partit le 22 novembre 1934.
Pour lui succéder, les pères assomptionnistes allaient faire appel à un homme d’expérience : le père Marchand, responsable du foyer des marins de la Marine marchande, fondé à Marseille en février 1930, et devenu un établissement prospère sous son impulsion. Ce religieux prit ses fonctions le 21 novembre 1934. Le logement était toujours insuffisant. Le premier soir, il dut demander l’hospitalité à l’aumônier de la visitation de Sainte-Musse, les deux chambres du presbytère étant occupées par deux autres pères assomptionnistes.
Le père Marchand ne perdit pas courage. Bien accueilli par la population, il sut trouver de puissants appuis pour l’organisation des catéchismes et le développement des œuvres de vie paroissiales. Il sut s’attirer la bienveillance du curé de La Garde, en profitant de la célébration des communions solennelles de 1935. Le curé de La Garde avait renouvelé sa défense de célébrer la communion solennelle à La Ginouse. Le père Marchand lui répondit : “Je m’incline, et ferai ce que vous m'ordonnerez, mais ce refus causera un grand émoi dans la population”. Cette réponse très raisonnable eut un effet bénéfique. La communion solennelle eut lieu à La Ginouse, mais elle fut présidée le matin par le curé de La Garde et le soir, conjointement, par les curés de Saint Jean du Var et de La Garde.
Les droits de tous étaient respectés et La Ginouse commençait à jouir d’une certaine autonomie. Le père Marchand obtint finalement l’érection de La Ginouse en paroisse par Mgr Simeone, le 26 août 1937, à partir de parcelles des trois paroisses voisines. Le nouveau curé l’organisa avec cœur, tant au plan matériel qu’au plan spirituel. Le presbytère était encore exigu, et surtout, froid, humide et malsain. Il fallut aménager deux chambres dans le grenier, une pour un vicaire éventuel, l’autre pour un hôte de passage. La salle à manger fut agrandie, et les carrelages de la cuisine et du parloir renouvelés. Enfin, une grande terrasse, destinée aux enfants, doubla la surface de la cour. Le rez-de-chaussée étant régulièrement inondé à chaque pluie importante, quelques travaux de drainage furent effectués. Le chauffage central fut installé dans toutes les pièces.
L’église donna également beaucoup de soucis au père Marchand. C’est le savoir-faire d’un de ses vicaires, le père Médard Hudry, menuisier à ses heures, qui permit de meubler la nef, grâce à la confection de bancs et d’une armoire pour les ornements. Les dons des fidèles permirent l’achat d’une petite cuve baptismale et d’un autel en marbre de Carrare. Avec le renouvellement de la peinture intérieure, le don d’une cloche apporta au clocher et à l’église, leur aspect définitif.
Il n’y avait plus qu’à favoriser le développement des mouvements d’action catholique, dont le père Marchand fut un véritable pionnier. Dès janvier 1935, il jeta les bases de la ligue féminine d’Action catholique, avec le concours d’une quinzaine de ligueuses. L’ACGF devait devenir prospère en comptant presque trois cents adhérentes. Le 26 juillet 1936, une section JEC fut créée, suivie, en septembre 1937, d’une section JOC. La conférence de Saint-Vincent de Paul naquit le jour de la fête de Saint Joseph, le 19 mars 1938. Enfin, en 1944, pour la fête du Christ-Roi, quatre garçons et dix filles, dirigés par Jacques Laporte, offrirent la première audition d’une chorale, qui sera un jour dirigée par Henri Tiscornia, futur responsable des chorales “A Cœur Joie” du Sud-Est. Le culte eucharistique prit forme avec la création d’une Heure Sainte, animée par les hommes, tandis que les jeunes filles assuraient l’adoration du Saint-Sacrement le vendredi.
Toutes ces activités connurent, dès leur début, une activité extraordinaire, s’inspirant de l’esprit de son premier pasteur, le père Tite Giraudo. Mais il faut également rappeler les mérites des sept pères assomptionnistes qui se succédèrent à La Ginouse pour seconder le père Marchand. Ce sont les pères Jovien Bermond, Jean Bernard Arnold, Médard Hudry, Louis-Gabriel Courriol, Paul Domon, Félix Michel, Alpin Allemand, ainsi que Frère Edmond Roesch.
Le ministère de La Ginouse eut raison de la santé du père Marchand. Il quitta son poste en octobre 1947, pour rejoindre la nouvelle université de théologie, créée par sa congrégation à Lyon. C’est le père Joseph Quennehen, jeune missionnaire expulsé de Bulgarie, qui lui succéda. Il fut installé le 12 octobre 1947. Il avait la santé, l’entrain, le savoir-faire lui permettant de réussir, mais il ne demeura à ce poste qu’un an et demi et laissa la place au père Merckx. Malgré ses soixante ans dépassés, le père Merckx se mit à l’ouvrage, mais il connut, lui aussi, des ennuis de santé et demanda son remplacement un an après son arrivée. Les habitants de La Ginouse étaient inquiets, face à la rapidité de changement des pasteurs. Tous les mouvements d’action catholique voyaient leurs activités réduites.
Mais, là encore, les assomptionnistes réagirent avec énergie en désignant pour cette paroisse le père Jean Berger, provenant du séminaire de Kirin, en Mandchourie, évacué devant l’avance communiste chinoise. Il succéda au père Merckx le 29 octobre 1950. Son premier constat fut celui de l’exiguïté du lieu de culte dont il prenait la responsabilité. Il fallait trouver rapidement un emplacement capable de recevoir une assistance toujours en croissance.
Peu après son arrivée, le père Berger avait repéré, à proximité, au carrefour des routes du Cap Brun, du Pradet et de La Garde, une vaste grange et une ancienne porcherie, situées sur un grand terrain appartenant à la famille de Guiroye. L’emplacement était idéal pour y édifier un nouveau lieu de culte. Sollicitée, la famille propriétaire accepta de le donner, dès 1951, à la paroisse. Cette donation, acceptée par Mgr Gaudel, évêque de Toulon, permettait de contacter architecte et constructeurs. Dès le début de l’année 1952, les travaux d’aménagement commencèrent.